lundi 28 janvier 2008

La chance, facteur décisif ou anecdotique?

La réussite contribue au succès. C'est également le cas dans le poker. Si les joueurs débutants misent tout sur le facteur chance, les professionnels eux, nettement moins. Ce qui ne les empêche pourtant pas de rester les meilleurs au monde. Et ça, c'est tout sauf du hasard!

« Suivre un joueur censé, d'accord. Mais jouer au poker contre un débutant chanceux, c'est impossible!» Bad beat sur bad beat, ce joueur d'Aix, éliminé prématurément du super satellite de Saint-Amand, était sorti de table, écoeuré par son adversaire du jour, un novice apparemment. Victime de la chance du débutant, le déçu est parti du Pasino en ne cessant de pester contre la Terre entière. Il est toujours plus désagréable de perdre contre un débutant que contre quiconque me direz-vous... Surtout quand celui-ci ramasse des gains conséquents avec des mains pré flop dites faibles. Difficile d'admettre que les chanceux sont ceux qui arrivent à tout, et les malchanceux, ceux à qui tout arrive. Ce n'est pas Phil Hellmuth, joueur aux 11 bracelets d'or, qui prétendra le contraire. L'enfant terrible du poker affirme même que s'il n'y avait aucune part de chance, il battrait tout le monde.

« La chance ne donne pas, elle ne fait que prêter »

Nombreux sont ceux qui ont croisé un jour ou l'autre le chemin d'un joueur à la réussite insolente. Frustrant pour le perdant et motivant pour le chanceux. A tel point que celui-ci se persuade qu'il est une graine de star possédant un réel don pour le poker. Alors, il multiplie les risques inconsidérés mais payants, mise davantage faisant douter les autres et donne l'impression d'avoir l'ascendant psychologique sur la table. Jusqu'au jour où, ayant tout perdu, il s'aperçoit que la réussite l'a abandonné. Dur pour le moral et pour l'orgueil. Il se rend alors compte que si la chance joue un rôle important sur le court terme, elle se minimise sur la durée. La chance ne donne pas, elle ne fait que prêter. Selon François Tardieu, champion de backgammon et joueur de poker chevronné, un débutant chanceux ne peut faire trembler tout le monde. Un joueur nettement plus capé et talentueux aura toujours le dessus sur ce dernier. « Un professionnel ou un semi pro peut perdre un coup certes, mais n'est pas moins fort sur la durée. Les pros commencent à avoir l'habitude. Ils s'adaptent et les repèrent ».

« J'adore qu'ils pensent que je suis chanceux » Gus Hansen

Tout fou a sa chance ! Gus Hansen le sait bien. Le Danois prend même un malin plaisir à jouer sur l'ambiguïté chance-talent. Ce qui fait de lui l'un des meilleurs joueurs au monde : « J'adore qu'ils pensent que je suis chanceux. Cela m'est complètement égal. En fait... laissez-les penser que je suis chanceux. Je pense que cela m'aide lorsque les gens pensent que je suis un peu fou car il y a véritablement du rationnel derrière de nombreuses choses que je fais. Ces choses peuvent amuser, mais je ne suis pas totalement fou, je le suis juste un peu». Derrière la chance, du rationnel, derrière la folie, du talent, telle est la recette idéale qui amène les meilleurs à rester les meilleurs. Sans un de ces traits de génie, difficile, voire impossible, de venir à bout de 350 concurrents dans un tournoi. Remy Biechel, vainqueur du premier Super Satellite du Partouche Poker Tour, le sait pertinemment. Auteur d'un parcours sans faute et d'une finale ahurissante dans laquelle il a éliminé deux de ses adversaires avec un brin de réussite, le titi parisien a démontré qu'il savait gérer un minimum le hasard. A défaut de pouvoir le maîtriser totalement. Ce n'est pas un don, mais un savoir que seuls les véritables joueurs de poker possèdent.

« La chance aide parfois, le travail toujours »

Un savoir connu et étudié depuis longtemps, en témoigne le proverbe du poète allemand Novalis (18ème siècle), qui affirmait jadis que jouer, c'était expérimenter le hasard. Au poker, cela nécessite des connaissances sur le jeu et de nombreuses heures de pratique. Il faut également savoir manier le calcul de probabilités, raisonner sur le long terme, travailler sur soi-même pour ne pas être perturbé dans sa lucidité par les coups du sort et par dessus tout, ne pas perdre inutilement son temps, son énergie et sa confiance en se lamentant sur des bads beats. Des notions indispensables au succès. Il n'y a rien de surnaturel, mais seulement de la lucidité et de la perspicacité. La chance aide parfois, le travail toujours.
La réussite n'est donc pas toujours au rendez-vous. Et pour gagner, il faut savoir faire sans. Ce que font tous les grands joueurs de poker. Et ce que disait très justement Bernard Weber, dans « l'empreinte des anges » : « C'est formidable le poker. Ce qui compte, ce n'est pas de disposer de bonnes ou de mauvaises cartes, mais de savoir jouer avec les mauvaises ». Avis aux malchanceux…